Une expérience thérapeutique

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Atelier - Dessin

Animé dans un premier temps par Granjabiel, peintre et illustrateur, puis dans un deuxième temps par Marie Fauquez artiste peintre.

Ami de longue date de Pierre Cazenave et de Françoise Bessis qui appréciaient son talent de peintre et de dessinateur, Granjabiel a accompagné dès le départ la création de ce lieu d’accueil thérapeutique. Dans un premier temps, il a contribué à animer ce lieu de ses dessins, et à donner son style à nos publications (les Lettres annuelles). Notre site a aussi bénéficié de sa collaboration, de même que nos deux journées scientifiques : en 2004, il nous a accompagnés avec une exposition de bois sculptés dans la chapelle de la Salpêtrière ; en 2014, avec des projections rythmant les différentes interventions.
Aussi est-ce naturellement que lui a été confiée, dans un premier temps, la responsabilité de l’atelier de dessin, qu’il a mené pendant sept ans. Lorsqu’il a démissionné, Marie Fauquez, peintre, a été recrutée et a travaillé au Centre jusqu’à sa fermeture.
Nous publions ici leurs textes, qui rendent compte de leurs orientations respectives.

Proposition de Granjabiel

Dessiner c’est partir marcher en forêt pour prendre l’air, laisser venir à soi les gestes retrouvés de l’enfance, construire sa cabane dans les bois sous les corbeautières.

Dans cette bulle coupée du monde, on est libre de le réinventer à sa mesure, d’en limiter les frontières, de les déplacer ou de les abolir quand bon nous semble.

C’est au fond une discipline allant méditation, introspection, concentration et lâcher-prise. Le projet comme l’analyse peuvent se situer en amont du geste, ou en aval, ou dans le même instant d’une fulgurance inspirée.

Comme en forêt, les codes et les usages civilisés se délient, leur application n’est plus nécessaire, l’exploration topographique et l’observation attentive nous mettent en état d’alerte, instinct de survie et frémissement “spirituel”…

Alors sur la feuille ou sur tout autre support s’inscrit l’innommé, l’innommable parfois, la vérité cachée, le secret de polichinelle, la cicatrice jamais refermée, tout ce qu’on fera apparaître et disparaître, tout ou en partie, négociant des parcours, contrôlant la force du courant pour ne pas être emporté ou pour l’être… Dans tous les cas, jouant à se chercher et à se perdre, à dévoiler et à masquer pour laisser venir au jour ce qui n’est plus de l’ordre de la contrainte mais de l’existence aussi imperceptiblement libérée soit-elle.

Inspiration : le laisser-venir, le lâcher prise, l’absence de projet défini, flottements, ouvertures, associations, analogies…

L’œuvre d’art est une aventure.

Ne pas fabriquer des « produits » mais montrer une pensée en mouvement, un état d’esprit, un dynamisme, une énergie.

Dessiner : dénouer, délier, déplacer, mettre à jour, dessiner c’est aussi entrer dans l’espace du questionnement, du changement, de la transformation, du devenir.

C’est ce quelque chose de la fluidité de la pensée agissante que nous allons tenter d’attirer dans nos filets de dessinateurs à l’aide de petits exercices, de dispositifs qui seront eux-mêmes en permanente évolution, développement et réinvention.

Ici, nous pourrons nous garder de la pesante, culpabilisante superficialité besogneuse, autrement dit de cette obligation du résultat programmé en amont de la recherche à des fins uniquement utilitaires et démonstratives.

Ici, nous allons sereinement explorer les richesses de la légèreté, de la vivacité et de la profondeur de l’esprit, de la pensée en mouvement sans autre but avoué que sa propre auto-découverte : « Poulain gambadant, cheval bondissant ».

La concentration et le lâcher prise seront nos outils de prédilection.

Proposition de Marie Faucquez

Le dessin relève d’un type de concentration dont la particularité est d’abolir presque totalement la notion de temps. Il présente donc ce paradoxe, permettant à la fois de se retrouver et de se perdre, concentré et comme évaporé dans sa propre création. Du travail en petit groupe naît la richesse des échanges, comme dans une bulle coupée du monde extérieur, un îlot de paix, de calme et de plaisir partagé.

Car dessiner est avant tout un acte de plaisir. Le dessin apporte une forme d’énergie très positive qui met en joie et fait souvent oublier la fatigue. C’est aussi dans un esprit ludique que sont imaginées les propositions de thèmes sur lesquels les participants à l’atelier sont invités à se pencher.

Les exercices sont conçus de manière à favoriser l’émergence de formes visuelles qui se nourrissent du hasard et de l’inattendu, de la maladresse et de l’accident, et qui ont quelque chose à voir avec l’inconscient. Ces formes sont toujours porteuses de sens. Elles font sens. Parfois, elles font aussi écho à l’histoire personnelle, ravivent de lointains souvenirs et se teintent des profondeurs de chaque être.

Ces formes sont chargées de sensations et d’émotions qui ne peuvent pas toujours être formulées autrement, verbalement par exemple. Le dessin permet donc de se détacher d’un certain nombre d’affects et, à ce titre, il est à la fois libérateur et moteur de création. Chacun peut, d’un trait de crayon ou d’un coup de pinceau, retenir, contenir ou au contraire, rejeter, lâcher et laisser aller. Extraire en tout cas. Extraire et accueillir des sensations de tout ordre liées à des formes et des couleurs.