Une expérience thérapeutique

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Atelier - Écriture

Animé par Louise L. Lambrichs

Ayant rencontré Pierre Cazenave et Françoise Bessis en 1996, Louise L. Lambrichs, écrivain, a accepté la proposition de Pierre d’écrire un livre traduisant ses questionnements cliniques de malade cancéreux et de psychanalyste engagé dans la prise en charge des patients malades. A l’époque, Pierre Cazenave et Françoise Bessis avaient déjà ouvert une consultation spécifique pour les malades atteints de cancer dans le cadre de la clinique chirurgicale de la Porte de Choisy.
Après la publication du Livre de Pierre en 1998, et la mort de Pierre Cazenave, elle s’est engagée aux côtés de Françoise Bessis, quand celle-ci a créé le Centre avec ses collègues. Pendant plusieurs années, elle a œuvré, dans l’Association dont elle a été vice-Présidente, pour faire connaître le centre aux professionnels, co-élaborer avec Françoise Bessis le Livre-objet et les Lettres annuelles, et obtenir de premières subventions. Vice-présidente du Comité scientifique, elle a démissionné de son poste de vice-présidente de l’Association pour intégrer l’équipe thérapeutique du Centre quand Françoise Bessis lui a proposé, vu son travail d’écrivain et son expérience de la psychanalyse, d’animer l’atelier d’écriture.

« Mettre en mots, écouter, voyager, créer, découvrir »

La confrontation au cancer éveille chez un certain nombre de malades le désir d’écrire. L’abondance des publications, des essais, des témoignages, l’atteste. Qu’il s’agisse d’un besoin d’évasion ou d’exploration de ses propres capacités créatrices inexplorées, du désir de faire une expérience qu’on ne s’est jamais autorisée, ou du sentiment que se joue dans l’écriture quelque chose d’essentiel pour la vie psychique, écrire relève toujours d’une aventure et d’une confrontation à l’inconnu que chacun porte en soi.

Pourquoi un atelier d’écriture au Centre Pierre Cazenave ?

Au long des années, articulée à la clinique du traumatisme et à cette notion d’ouverture psychique suscitée par l’irruption du cancer, l’idée d’ouvrir au Centre Pierre Cazenave, pour les malades, divers cadres destinés à répondre à ce besoin impérieux de création propre qui va souvent de pair avec l’expérience de la maladie et/ou de la menace mortelle, a fait son chemin.
L’atelier d’écriture proposé au Centre Pierre Cazenave est l’un de ces cadres, qui s’inscrit dans la démarche spécifique du Centre.

Visée de l’atelier d’écriture

L’atelier d’écriture ressemble à l’atelier du peintre et du sculpteur rassemblés, sans oublier le musicien : les mots y sont couleurs susceptibles de mille assemblages convenus ou inédits, le texte pâte à modeler ou terre à cuire à laquelle chacun imprime sa forme, sans oublier les sons et les rythmes qui animent l’ensemble.
L’atelier d’écriture est fait pour retrouver, à plusieurs, le plaisir de jouer avec ces mots qui chantent ou blessent et toujours résistent, ne disant jamais exactement ce qu’on veut leur faire dire et disant aussi, toujours, autre chose d’inattendu, d’inaudible ou, littéralement, d’inouï. Dans le cadre spécifique, thérapeutique, du Centre Pierre Cazenave, la visée de l’atelier d’écriture consiste à ouvrir un nouvel espace psychique de jeu à plusieurs avec le langage, un espace pour un jeu d’échos et d’échanges, de ratures et d’inscriptions, un espace vécu souvent comme inaccessible ou interdit par ceux qui, « ayant toujours voulu écrire », ne s’y sont jamais autorisés. Qu’est-ce que « vouloir écrire » ? Comment s’approprier ou se réapproprier le langage écrit ? Pour quoi faire ? quoi dire ? comment ?

La rencontre avec l’inconnu

Ce que dit bien la fameuse « angoisse de la page blanche », c’est qu’écrire met toujours face à l’inconnu. Un inconnu qui a – au moins – deux visages ou deux faces. L’inconnu en soi, mais aussi l’inconnu du langage. Avec cet inconnu-là, l’enfant n’a pas peur de jouer, pour se l’approprier… Pourquoi l’adulte est-il souvent saisi d’angoisse à l’idée d’écrire ?
Animé par un écrivain, l’atelier d’écriture permet d’explorer à la fois seul et à plusieurs les chemins buissonniers qui permettront d’approcher un jour, sans en être trop effrayé – ou en supportant la frayeur – ce « noyau de nuit » tapi dans la langue même et que tout poète, à sa façon, s’acharne à mettre au jour ou fracasser, pour reprendre l’expression d’André Breton. Écrire, c’est s’incarner. Devenir ce que l’on est tout en se surprenant soi-même. Apprivoiser mais aussi explorer les mots, leurs liens, en créer de nouveaux, les assembler de toutes sortes de façons, c’est voyager à l’intérieur de soi tout en s’ouvrant au monde, s’agrandir l’esprit, et s’enrichir intérieurement tout en enrichissant les autres.

A l’occasion des vingt ans du Centre Pierre Cazenave, des participantes ont écrit des textes pour faire part de leur expérience de l’atelier d’écriture et, parfois, du Centre. Avec leur accord, nous les publions ici, pour donner une idée de l’apport particulier de cet atelier et de la variété des expériences vécues de l’écriture dans ce contexte spécifique (Echos de l’atelier d’écriture).