Une expérience thérapeutique

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Yo Lachenal-Taballet – En plein désastre, une vraie aubaine – juillet 2020

Ma voisine de chambre à Curie m’a fait le cadeau de me remettre l’adresse de Psychisme et Cancer. Je m’y suis présentée à ma sortie deux fois différée à cause d’une forte fièvre. Bête blessée, pétrie de peurs, j’errais ; un deuil, le cancer et une rupture sentimentale en carambolage, travail précaire, mal distancée de ma famille en crise, chronique mais plus violente que d’habitude, je ne savais pas quoi faire, ni quoi faire de moi. Avec mes humanités dans tous leurs états, est-ce qu’on me ferait place à l’association ?

Dès le premier contact, bref parce que je suis arrivée en fin d’après-midi, j’ai été touchée par le tact de Réjane. La semaine suivante, je n’en revenais pas d’être reçue encore pleinement par Marie-Françoise, Réjane et France, entre ses séances en individuel. Malmenée par les événements de ma vie dont je ne savais pas bien prendre soin, je débordais de reconnaissance et de larmes, face à leur attention spontanée, sensible, disponible, et dans un cadre où la parole circulait librement, était entendue !

Je me sentais comme une enfant enfin gâtée, j’oubliais ce qui m’arrivait, je courais voir d’autres groupes avant de revenir vers la première équipe et partout, c’était chaleureux autant que je pouvais en rêver. Une fin d’après-midi, j’ai rencontré Yvette et sa grande douceur m’a aidée à entrer dans la discussion très animée d’un groupe plus grand de patient.e.s, en présence de Philippe (j’espère que c’est le bon prénom). Grâce à lui, je me souviens de mon exclamation qu’il a reprise, « mais moi je ne sais pas quoi faire de mon cancer ! », quand les uns et les autres s’étaient déjà interrogés à ce sujet. Je ne sais toujours pas au juste ce que j’en ai fait mais beaucoup de choses se sont faites en moi qui tiennent au loin des répétitions, durant toutes les sortes d’accompagnement que j’ai reçues à l’association, et ça dure.
Pour commencer, j’ai osé parler de moi et j’ai pris la parole en groupe sans perdre la voix ni ce que je voulais dire en chemin, c’est très rare.

Peu après, Réjane et Marie-Françoise m’ont proposé de découvrir l’atelier d’écriture de Louise accompagnée de Claudine et de Claude quelque temps. C’est exactement mes limites, je découvrirai cette aventure « périlleuse » et je repartirai tout de suite après. J’ai d’abord vu Louise chez elle, je suis sûre que cette petite rencontre m’a rendue courageuse et plus curieuse. A la première séance (comme à toutes les autres), ma tête restait en jachère, je ne savais pas où j’étais je me perdais de vue, chose inattendue, j’ai ressenti de la panique sans penser à quitter le lieu. Je me suis délectée de cette expérience inédite, sans le savoir, je m’en allais vers de l’inconnu mais en moi, et je pouvais accepter de frôler, de m’approcher souvent de quelque chose de fragile, parfois d’y toucher et revenir indemne et moins à l’étroit dans mon abri intérieur.

Jean-Gabriel à l’atelier de dessin m’a amenée, sans que je ne m’en rende compte, à m’exprimer sans peur avec mes moyens et mes besoins, mes envies. J’ai joué, de toute l’énergie de mon corps véritablement, avec la matière, la couleur, et l’inexprimable en moi, je me suis fait du bien, tellement, peu importe le résultat.

Il m’a été donné de vivre, pour ma part, une qualité relationnelle tant avec Louise qu’avec Jean-Gabriel m’autorisant la liberté d’être avec mes états bruts, confus durant les activités ; relation nourrissante et stimulante autant que leur préparation en amont des choix des textes, d’auteurs, de propositions de contraintes et leurs variétés. Je côtoyais des univers non familiers, nombreux, sans repères je m’en allais tâtonnante en quête de trouvailles.
Leurs coéquipières, respectivement Claudine et Nicole en participant avec nous à l’aventure tout en contribuant à veiller à notre bien-être ont ajouté de la présence aidante, les sentiments amicaux en moi à leur endroit me désinhibaient encore un peu plus.

Plus tard, grâce d’abord à Louise puis surtout à Françoise Bessis, j’allai vers Jacqueline et Catherine, sa coéquipière. Je ne vivrai plus sans Qi-Gong. Longtemps, je n’ai pas compris l’approche subtile de notre corps que Jacqueline cherche à nous enseigner, mais j’avais une foi inouïe sans savoir sur quoi elle reposait. J’ai été très assidue et trempée de bonne volonté, pourtant ma progression a été laborieuse. C’était âpre, je craignais que Jacqueline ne se décourage (passé simple non assumé) et veuille se débarrasser de moi. Aujourd’hui, malgré l’âge, des parties de mon corps se sont mises en vie ! Avant de nous quitter, Catherine m’a parlé pour ainsi dire affectueusement et a provoqué un déclic qui a levé une sorte de rétention en moi à l’effort plus soutenu encore. Je vis moins en apnée pour respirer plus. Tant que je maintiens une pratique au quotidien, des vieilles douleurs chroniques ne se manifestent pas, mon corps n’est plus aussi encombrant et ma tête en est contente.

Où et en combien de lieux existe-t-il une structure pensée et réfléchie dans le respect si évident de l’humain, offrant aux blessés de la vie la possibilité de reprendre pied avec elle, aussi généreusement prenant en compte ce que je n’aurais même pas idée d’espérer ou attendre, avec des encadrants bien présents à leurs missions, sans objectif de profit et sans recours au bénévolat. Pareille entreprise engagée dans l’éthique doit, je m’imagine, demander un investissement en énergie considérable. L’association connaît sa fin, c’est une perte qui me déprime, j’espère en un, plusieurs relais quelque part.
Comme ailleurs, il y a des affinités électives ou pas et leurs contraires, on peut s’y frotter, s’y piquer, et je m’y suis aussi attachée.
J’oubliais, grâce à France je suis suivie avec amitié par une généraliste consciencieuse dans le quartier, ce qui contribue à me maintenir en santé.
Ma rémission perdure, je le dois tant à tout ce que j’ai reçu de l’association et qui continue à générer des bienfaits. C’est une belle chance dans ma vie d’y avoir été accueillie. Ma gratitude est profonde, merci de tout mon cœur à chacun.e et à toi Marie-Françoise et au revoir Psychisme et Cancer.